-
Claude François,procès 2
Cet article est la suite du procès Etienne Paret contre Claude François, dont le début a été raconté dans Claude François,procès1
A la suite de l'audition des témoins d' Etienne Paret, et après une empoignade juridique, Claude François a obtenu que ses témoins, non présents à l'audience du 25 mai 1808, soient entendus quelques jours plus tard. Ainsi, le 28 mai , à 10 heures, comme prévu :
Après le salut napoléonnien, le juge Vanel résume l'affaire, et est prêt à entendre de François « les preuves qu'il entend fournir pour établir la possession du passage qu'il a dans le pré dudit Paret »
10 témoins vont se succéder. Cet article résume les dépositions, et un lien permet de consulter l'original.
1er témoin : Pierre Plasson : il a vu François passer au travers du pré , et « ils se sont querellé chaque fois que ledit François a voulu passer par le pré »
Lui aussi a été témoin d'une tentative de passage avec du bois, une année, « Paret l'arrêta et François passa par le chemin qu'il a fait faire au lieu de Bruyères... par un nommé Doret qui était son domestique ; Depuis environ 7 ou 8 ans, ajoute qu 'avant que Paret fut propriétaire du pré il a vu passer François, mais qu'il n'a pas vu passer François par le pré depuis que Paret l'a acquis, attendu qu'il en est éloigné ».Il ne sait pas signer
2ème témoin : Antoine Doret, Saint Appolinard, 40 ans. Il a été domestique , il y a 14 ans, de « défunt François et il a vu passer le foin du pré de François par celui de Paret qui appartenait alors au sieur Béraud. ». François lui avait demandé de faire un chemin sur la Bruyère, « mais que plusieurs particuliers, et notemment Paret, s'y opposèrent ». Il ne sait pas signer
3ème témoin : Jacques Maréchal, Murigneux, commune de St Appolinard. Il était au service de François il y a 8 ans, il a vu passer foin et mayere dans le pré qui appartenait alors à Béraud. Après il n'a rien vu, étant «éloigné ». Il ne sait pas signer.
4ème témoin : Etienne Révollon, cultivateur à Limonne, environ 50 ans. « Il a toujours vu passer François par le pré de Paret, avec une voiture chargée de mayère, et qu'il y a environ 5 ans qu'il n'a pas vu passer le foin de François ; que plusieurs fois, il a vu quereller François, mais que la présente année, il ne les a vu que hors du pré. … Il a vu François conduire son foin par le chemin de Bruyère, attendu que le pré de Paret n'était pas fauché et que François avait fait faire un chemin aux Bruyères mais que les habitants de Limonne, lui et Paret s'y opposèrent. Ajoute qu'il y a environ quinze ans que François a fait le chemin dans la Bruyère, qu'il y a environ dix ans de l'époque où il a vu passer le foin par la Bruyère, et qu'avant que Paret fut propriétaire du pré, François y passait à son usage, sans empêchements. Il signe.
5ème témoin : Claude Dumas, propriétaire à la Chavanery, environ 65 ans. « Il y a environ 20 ans que François l'employa pour lui aider à conduire le foin de son pré , qu'à cette époque il traversa le pré de Paret qui appartenait alors au sieur Béraud et qu'il y a environ 14 ans qu'il lui aida à conduire le foin par le même pré, ainsi qu'il y a environ 12 ans , et qu'ensuite, il y a environ 4 ans, il l'aida François à conduire la mayère de son pré. Son fils fut demander à Paret le faculté de traverser le pré de lui, Paret, que celui ci la lui accorda sous la promesse que lui fit son fils de passer dans l' endroit le moins dommageable, qu'un instant après la mère de Paret survint, qui le querella et que malgré la défense de cette femme qui avait une pierre à la main pour empêcher le passage par le pré de son fils, lui, dépose, la prit par le bras et lui dit qu'il savait agir par justice, que néamoins il traversa le pré, si ce n'est à la cime où il entra dans celui de Crotte, lorsque celui de Paret était inondé. ».Ne sais pas signer.
6ème témoin:Jean Plasson, cultivateur à Limonne, 52 ans. « Il se rappelle que depuis 40 ans il a vu passer le foin du pré de François, ainsi que le bois par le pré de Paret » , mais que, depuis 10 ans , il passait par le chemin des Bruyères. « L'année dernière, il vit François et ses gens passer par le pré de Paret,et que la femme de ce dernier le querella, et que néamoins françois continua son chemin. Ajoute qu'il y a environ 16 ou 17 ans qu'il a vu François faire le chemin... Lorsque le sieur Béraud était propriétaire du pré de Paret, il n'a jamais empêché François d'y passer, si ce n'est une fois que ce dernier avait fait faucher le pré du sieur Béraud, dont l'herbe se gatait. » ; Ne sait pas signer.
7ème témoin : Laurent Dervieux, cultivateur à Limonne, âgé d'environ 39 ans. Il confirme que, du temps du sieur Béraud, le foin traversait le pré, mais depuis 8 ans, le foin ne passe plus. « Il a vu passer le bois du pré de François par celui de Paret,et qu'il y a environ 6 ans qu'il entend la mère de Paret qui querelle François pour lui empêcher le passage par le pré qui appartenait déjà à son fils et que néamoins François continua son chemin. Ajoute que François ou son domestique pratiqua un chemin dans la bruyère, et qu' à cette occasion, Dervieux lui même, Paret et d'autres habitants de Limonne s'y opposaient». Ne sait pas signer.
8ème témoin : Françoise Germat, Veuve d' André Dervieux, demeurant à Limonne, 58 ans. « elle a vu passer sans aucun trouble depuis 40 ans, le foin, refoin et bois qui provenait du pré de François par celui de Paret, mais que depuis que François l' a affermé à différents particuliers, elle n'a pas vu que des fermiers passaient le foin du pré de François par celui de Paret, mais qu'elle a vu passer continuellemnt le bois , mais qu'il y a environ 4 ans qu'elle entendait la mère de Paret qui s'opposait à ce que François traverse le pré de Paret, son fils, et que François continua son chemin et qu'elle a vu François conduire 2 charettes de son pré par le chemin des Bruyères .Ne sait pas signer.
9ème témoin : Claude Dumas, cultivateur à la Croix des ramaux, âgé de 50 ans.Il y a 20 ans « qu'étant domestique de François, il a lui même conduit 2 charetées de refoin du pré de François par celui de Paret » il évoque la querelle avec la mère de Paret, une pierre à la main. Ne sait pas signer
10 ème témoin : Benoit Limone, propriétaire à la Chavannery, 60 ans, « a dit être cousin de la mère du mineur, et en cette qualité n'a voulu déposer »Ne sait pas signer.
Ce n'est pas fini ! Etienne Paret a trois nouveaux témoins et « de suite nous les avons entendu et comme suis ».
1er témoin : Jean-Baptiste Ricoud, boucher à Pélussin, 54 ans. Il était fermier de François en 1806 et 1807, et, fermier du foin et du refoin, il a sorti le foin par le pré de Chauvin, et non par celui de Paret. A signé.
2 ème témoin : Jean Mousset, propriétaire à Chaurée, 32 ans. N'a jamais vu passer le foin, ni le refoin, mais, il y a environ 5 ans, il a vu la mayère et il a entendu la mère de Paret qui querellait François.Il a entendu dire que, avant que Paret ne soit propriétaire, le foin passait par le pré, et que lui même en 1806 et 1807 il a voituré le foin pour le compte de Ricoud et qu'il n'est pas passé par le pré Paret. Sait signer.
3ème témoin : Jean Cellard, propriétaire à Limonne,36 ans.Il a vu passer le foin de François par le pré de paret, mais plus depuis que la mère de Paret s'oppose au passage, et qu'il passe par le chemin de Bruyère. Ne sait pas signer.
Paret soutient avoir aquis les preuves
suffisantes pour établir la possession
annuelle paisible et publique jusque au
moment du trouble porté par François et dont
il s'est plaint par la citation et persiste aux
conclusions qui y sont prises avec dépends,
soutenant que les dépositions fournies par
ledit François sont contradictoires, illusoires,
et insignifiantes à la cause, attendu qu'il
s'agit d'un possessoire annuel et non de savoir
Qui aura droit sur le pétitoire pour raison de quoi
l'on fait toute réserve en cas de besoin
D'ou il résulte que les dépositions dudit
François doivent être rejetées et regardées comme
nulles et a signé. Signé à la minute Paret.
François a dit qu'il résulte des dépositions des
témoins la preuve non équivoque que depuis
longues années,il a passé avec chars et charrettes
par le pré de Paret pour emmener la récolte du pré
de son pupille. En conséquence il a conclu que faisant
droit sur les preuvess résultante de ladite enquête.
il fait renvoyer de la demande de Paret avec dépens
et attendu que cette demande est un trouble à la
possession de son passage, il a conclu également
à ce qu'il soit condamné à lui payer la somme
de quatre vingt francs pour dommages et intérets
et sous toute réserves de protestations. A déclarer
ne savoir signé.
Le jugement est renvoyé à la première
audience dans la cause entre Claude François
et Etienne Paret pour d'après les preuves des parties
dépositions produites par les partis être statué
à qu'il appartiendra jusque à tous dépends,
réserves et avoirs. Signé avec notre greffier
signé à la minute Vanel, juge de paix
Signature du greffier, et montant des frais.
En résumé, François estime qu'il a acquis un droit de passage, alors que Paret, propriétaire, lui conteste ce droit.
Des scènes campagnardes se déroulent sous nos yeux : les charettes de François qui tentent de passer par le pré, la mère de Paret, en colère , prête à tout pour les en empêcher, une pierre à la main... Cette femme, Jeanne Marie Fovet, était pourtant une personne âgée pour l'époque : elle était née en 1738, et avait donc entre 60 et 70 ans , au moment des faits, à une époque où l'espérance de vie pour les femmes était de 35 ans. Elle est décédée en 1806 .
Ces dépositions nous renseignent aussi sur le niveau de vie des paysans : certains ne connaissent pas leur âge, bien peu savent signer. Sur les 13 témoins de ce jour là, seulement 3 posent leur griffe. Etienne sait signer, mais nous avons déjà eu l'occasion de voir que la famille Paret était relativement aisée. Sans grande surprise, nous constatons qu'une seule femme est appelée à témoigner.
Plusieurs témoins évoquent le chemin des Bruyères, et l'opposition des habitants de Limonne à la création de ce chemin. En effet, cette parcelle appartient collectivement aux habitants de Limonne, et ils ne voient pas d'un très bon oeil un habitant de St Appolinard disposer d'une partie de leur terre.
Maintenant, le juge va devoir trancher...Et vous, lecteurs interessés par les questions juridiques, quel serait votre verdict ?
-
Commentaires