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Claude François, procès 1
Les relations de voisinnage ne sont pas toujours des plus harmonieuses, comme le confirment les minutes du procès intenté par Etienne Paret contre Claude François, de la Chavannerie, hameau situé à 3 km des Andrivaux à propos du passage intempestif et répété de Claude, avec force chars et charrettes, sur les terres d' Etienne, fauchant l'herbe au passage. Etienne, exaspéré par les invasions perpétuelles de cet Attila a fait appel à la justice. Ce conflit de voisinage a été traité par le juge de paix du canton de Pélussin , le juge Vanel.
Napoléon par la grâce de Dieu et les
constitutions de la république, Empereur des
français, roi d' Italie et Protecteur de la
confédération du Rhin , à tous présents
et à venir Salut ;
Extrait des minutes du greffe de la justice
de paix du canton de Pélussin et Dans notre
auditoire Département de la Loire
Aujourd'hui vingt trois mai dix huit
cent huit devant nous, Michel Vanel juge
de paix du canton de Pélussin, et dans notre
auditoire à Pélussin sur l'heure de trois de relevée
est comparu Etienne Paret, propriétaire,
Demeurant au lieu de Limonne, commune de
Maclas, lequel a dit qu'il requiert de ce qu'il
nous plaise entendre les preuves qu'il entend
produire dans l'instance pendante en ce
tribunal d'entre lui et Claude François ,
aussi propriétaire demeurant au lieu de la
Chavannery, commune de St Appolinard
défendeur et a signé signé à la minute Paret
De suite adhérent à la réquisition du dit
Paret, nous avons entendu les preuves produites
par ledit Paret, demandeur, lesquels sont : 1° Antoine
François, 2°André Tranchand, 3°Jacques Révollon,
4° Pierre Plasson, 5° Baptiste Choriet, 6° et
Jacques Tranchand. Nous avons interpellé le
défendeur cy présent de délibérer s'il a des
motifs de récuser les six témoins que produit le
demandeur.
Ledit Claude François ayant déclaré qu'il n'a
aucun motif de les récuser, nous avons, en sa
présence reçu le serment de chacun d'entre eux séparément
au moyen duquel ils ont promis de dire vérité
sur les faits dont ils sont enquis et d'après lecture
de la demande fournie par Paret nous les avons
entendu séparément comme suit :
Premier témoin : a dit s'appeler Antoine François,
propriétaire cultivateur demeurant aux Andrivaux,
commune de Maclas, agé de 46 ans
et n'être parent ni allié des parties , a dit qu'il
est à sa connaissance que le défenseur ayant
affermé le pré dont il s'agit, soit à François Royer,
soit à Jean Baptiste Rioux, l'un et l'autre de
la commune de Maclas, ceux ci l'ayant chargé
de conduire du foin qui sortait du pré dudit
François, il n'a jamais traversé le pré dudit
Paret, qu' il passait dans une partie du pré dudit
Chorin, et pour Rioux, il traversa différents
prés fauchés, mais qu'il ne passa pas par celui
dudit Paret. Qu'étant à travailler sur une de
ses vignes dominant le le pré dont s'agit,
il a vu les bestiaux de François ou ses ? qui pour
venir et s'en retourner de paitre passaient par un
champ de bruyère étant dans le département
de l'Ardèche. Lecture à lui faite de la déposition
a dit qu'elle contiend vérité et ne savoir autre
chose et a déclaré ne savoir signer, de ce enquis.
Les témoins se succèdent, leurs dépositions sont presque identiques. En voici un résumé. Pour avoir l'extrait de l'acte original, il suffit de cliquer sur les liens .
Deuxième témoin: témoin2
André Tranchand, propriétaire cultivateur à Limonne, 43ans. « Il a vu , il y a environ deux ans, François voulant passer avec une voiture et une autre voiture à char chargées de la mayère. Intervint la mère de Paret qui s'opposa à ce que ledit François et son voiturier traverse le pré de son fils, que celui ci étant déjà un peu avancé dans le pré de Paret, se retourna, et qu'il ne sait s'il remonta par le pré de Paret ou par celui de Crotte » . Petite précision : la mayère désignait, dans le Forez, un bois de haute futaie. François rentrait certainement son bois pour l'hiver. André Tranchand confirme avoir vu les bestiaux passer par la Bruyère.
3ème témoin : témoin2 + témoin3
Jacques Rivollon, propriétaire cultivateur à Limonne, 54ans
Il a vu François conduisant la mayère dans le pré de Paret, l'hiver dernier. Il n'a jamais vu François « conduisant le foin au travers du pré de Paret». Mais, il a vu François « arracher quatre peupliers étant à la tête du pré de Paret pour passer avec sa charrette dans le pré de Paret, et ce le 1er jour d'avril dernier. Ajoute qu'il a vu lorsque les bestiaux de François étaient paitre dans ledit pré, ils passaient par ladite bruyère...et que lorsque François arracha les arbres dont il est parlé, Paret eu difficulté avec ce dernier »
4ème témoin : témoin3 + témoin4
Pierre Plasson, propriétaire à Limonne, 51ans.
« Il a vu passer François ou ses domestiques tantôt dans le pré de Paret et tantôt par la Bruyère, et qu'il y a plus de 15 ans qu'il n'a pas vu passer le foin du pré de François au travers du pré de Paret, qu'au contraire, il l'a vu passer par la Bruyère, au département de l'Ardèche » . Il a vu passer la mayère, le 1er avril. Il se souvient de la mère de Paret faisant faire demi tour à François, il y a environ 3 ans.
5ème témoin: témoin 4 + témoin5
Jean-Baptiste Chorin, propriétaire cultivateur à Chorée, 43ans.
Il a vu passer une charrette de foin dans le fameux pré, il y a une quinzaine d'années. Mais, depuis, « il a vu François rétablir le chemin dans la bruyère ...et y passer son foin, comme aussi les bestiaux lorsqu'ils allaient paitre ». Il a vu passer de la mayère « il y a de même environ 15 ou 16 ans »
6ème témoin: témoin 5 + témoin6
Jacques Tranchand, propriétaire cultivateur à Limonne, 45 ans. « Il n'a jamais vu François traverser le pré de Paret depuis que ce dernier l'a acquis du sieur Béraud qui empecha François de le traverser ...Qu'il a vu que ce dernier voulant le traverser dans le mois d'avril dernier, avec deux charrettes chargées de mayere, Paret s'y opposa et se facha de ce que François lui avait arraché des peupliers . «Il y a environ 2 ans, il a vu François traverser le pré de Paret avec deux charrettes non chargées ».
Pour Paret, l' audition des témoins est terminée, mais François n'est pas de cet avis : il n'a pas pu produire ses témoins pour aujourd’hui' hui , et il requiert que « l’enquête se continue. »
Pour Paret, l'enquête est close. Il s'ensuit une bataille juridique, avec référence à l'article 35 du code de procédure
Paret veut qu'il soit procédé immédiatement au jugement, François lui reproche de s'opposer à l'audition de nouveaux témoins, craignant « qu'ils viennent déposer contre son injuste prétention ».
Le juge tranche : l'enquête continue, et tout le monde se retrouve « samedi prochain 28 du présent 10 heures du matin et à défaut il sera procédé au jugement tant en absence que présence »
Signé Vanel. Et, comme la justice n'est pas gratuite, un décompte de frais est griffonné.
Ces témoignages font revivre des scènes campagnardes : la pâture, les coupes de bois, le fanage, l'entretien des chemins... Nos aïeux n'avaient pas une vie de tout repos, ils étaient très attachés à leur terre ...d'où ce procès.
Procès qui va donc se poursuivre par l'audition des témoins du défendeur, et qui sera l'objet du prochain article.
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